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L'Humanité quotidien

17 Juin 2000 - LES VOYAGEURS

Rémy Walter

adepte d'un sport

d'anges heureux

Rêveur. Ce champion volubile de planche à roulette milite depuis 20 ans pour que la ville intègre la Culture Glisse, " tellement urbaine ". Et part, aujourd'hui, en croisade contre la mairie du 15e arrondissement de Paris qui vient de détruire le seul endroit de la capitale où les passionnés pouvaient légalement s'adonner à leur sport favori : le Skate-Park de Balard.

Il a trente-cinq ans, les cheveux longs frisés, une grande gueule et des idées radicales. Rémy Walter est de ceux qui pensent que la parole n'est rien, que seuls les actes comptent. " Je rêve d'une ville qui intégrerait les valeurs de cette culture glisse tellement urbaine ", explique le skateur en reprenant la thématique de Michel Fize, sociologue du sport, aujourd'hui aux côtés de Marie-George Buffet. Rémy a rencontré la ministre en 1999. " Elle m'a entendu, m'a-t-elle écouté ? "

Car le personnage est volubile dès qu'on aborde son domaine. Depuis 20 ans déjà, il se bat pour son sport, le skateboard. Champion dès l'âge de douze ans, il participe en 1992, avec son club SK8CP (Skateboard club de Paris), à la tournée des quartiers défavorisés organisée par le ministère de la Jeunesse et des Sports. Si les pratiquants de roller ont obtenu aujourd'hui le statut de piéton, les skateurs sont encore partout hors la loi et risquent des amendes allant jusqu'à 900 francs. " Nous faisons un sport d'anges heureux ", avoue en riant Rémy. Il refuse pourtant les clivages. En 1997, il crée même l'assurance One Move (www.one-move.com) destinée à couvrir les riders (pratiquants de sports de glisse) partout où ils sont : ville, montagne et plage. Et depuis deux ans, il aide à organiser une tournée nationale multiglisse BMX-skate-roller.

Idéaliste, Rémy rêve d'un lieu de vie où se mêleraient formation, création, activité sportive et commerce. Un endroit dédié à la culture skate, comme à Lyon où un budget de 15 millions de francs vient d'être voté pour la construction d'un nouveau site multiglisse. En 1994, Rémy lance l'association New Rage Vision, un collectif d'artistes et de techniciens du spectacle. Avec le SK8CP, ils organisent " générations NRV " (lire énervées), une fête où se rencontrent skateboarders, rollers, musiciens percussionnistes, grapheurs et jeunes artistes peintres. L'exposition " skater la ville " montée par des chercheurs du CNRS, en 1998, au musée des Arts et Traditions populaires de la Ville de Paris fera écho à cette nouvelle approche du sport.

Alors quand Rémy apprend début juin 2000 la destruction de Bal'Art, le Skatepark de son club, le seul de la capitale, son sang ne fait qu'un trick (figure de skate). En 1989, lorsque Jaques Chirac parraine le projet, l'idée était de créer un lieu couvert pour la découverte et la pratique des sports de glisse en milieu urbain. Dans le parc Suzanne-Lenglen, les 700 m2 alloués ne connaîtront leur toit qu'en 1996, " mais sans gouttière ", ajoute l'impétueux skateur. Et depuis la tempête de décembre 1999, les deux emplois-jeunes créés par le club travaillaient sans électricité. La mairie du 15e a bien fait passer une commission d'experts. Mais en l'absence des dirigeants du club ! La décision de non-conformité aux normes de sécurité du site tombe alors comme un couperet et les masses municipales font leur sale besogne. " Notre club n'est pas subventionné. Nous le portons à bout de bras depuis le début ", ajoute Rémy Walter tendant son skate devant lui. Un skate qu'il voudrait parfois transformer en fusil, pour se défendre contre des opposants aux méthodes de barbouzes.

Pour tous les skateurs, la chute est une étape inévitable pour progresser. Cette chute-là, Rémy Walter ne l'avait pas prévue. Mais elle pourrait bien lui donner des ailes.

Olivier Touron


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